"J'ai choisi de vivre heureux parce que c'est bon pour la santé."

Voltaire


"Le plus fort n'est pas celui qui arrive le premier ; c'est celui qui profite le plus de ce qu'il fait."

Kilian Jornet



28 juin 2019

Record du Monde !

18 mois sans news sur ce blog, ça fout la trouille !

Et pourtant, il s'en est passées des choses côté vélo, pro, perso. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai un peu abandonné mes écrits, à regret mais ça confirme aussi que l'on ne peut pas tout faire.

Alexandre (Krapa Rando) a instauré, il y a quelques années, un "Record du Monde du Canal du Midi". Titre un peu pompeux pour cette épreuve non officielle où seule l'envie de se battre contre soi-même sur 242km fait foi.

Et bien évidemment, à chaque fois qu'il y a un truc un peu dingue à faire, ça me chatouille. J'y pense depuis qu'Alex a instauré le record en 10h48. Le parcours est tout plat (ou presque) et divisé en 3 grandes parties: 80km de goudron, 80km de pistes, 80km de chemins étroits. Le truc, c'est qu'il faut s'entrainer un peu en fonction sinon, ce n'est pas la peine.

Fin 2017, pour cause de vent contraire, je ne l'avais pas tenté. 
En 2018, l'agenda était chargé comme un podium du Tour de France dans les années 90.
Cette année, ça semblait plus simple à préparer. Dont acte.

Plus de 8500km de vélo depuis début janvier,  des grosses sorties, de bonnes moyennes (ou des moyennes bonnes ?), des repérages (dont un en bike-packing avec Véro) pour les points d'eau, les traces à suivre, etc...

Un record, c'est rarement du au hasard.

Je ne voulais pas le faire un week-end ; trop de monde. Le lundi, c'était bien aussi mais le 10 juin, c'était férié (lundi de Pentecôte) et ça suffit comme prétexte aux gens pour aller se promener. 
Le vent était orienté à l'Autan (de face, donc...) depuis quelques jours et là, ce n'est même pas envisageable. 

48h avant, je me décide enfin. Ce sera le jour de l'été. Le truc, c'est que mon pic de forme est là et que je ne peux pas reporter éternellement.
J'ai bien vu qu'ils annonçaient des orages mais essentiellement sur Toulouse. Éventuellement jusqu'à Castelnaudary mais bon, il y a une bonne partie goudronnée jusque là et même si c'est mouillé, il reste encore 180km après...

Je retrouve ainsi mon pote Jean-Claude chez lui à 5h15; il habite à 3km du départ. Il récupère la voiture. Il fera ainsi des checkpoints tout au long de mon périple (mais à distance car l'aide est interdite, c'est uniquement en autonomie complète) et me ramènera. Pour une fois, je ne rentrerai pas à vélo. ;-)

Je suis aux Ponts-Jumeaux à 5h40.
Il a plu mais il ne fait pas froid. Contrairement à d'habitude, Toulouse est calme. Tu m'étonnes. Pas fous les gens, ils dorment, eux.

C'est parti !
La traversée de la ville se fait vite et bien. 
A partir de Port Saint Sauveur, je trouve des feuilles sur la piste cyclable. Puis des branches. Des grosses. Je slalome, je saute. Visiblement, le vent a soufflé fort dans la nuit. Ça se complique après Ramonville. Toujours plus de branches. Pour autant, je garde un bon rythme de croisière sans trop forcer. J'ai le temps pour ça...

Après Baziège,  ça va mieux. Ça durera une petite heure, jusqu'à Port Lauragais. À ce niveau là, la route s'arrête ("Là où on va, Marty, on n'a pas besoin de route... "). 
Après, les choses changent. Ça devient gras, voire boueux. C'était un peu comme ça quand j'avais fait la reco, 15 jours plus tôt. Je m'y attendais un peu en me disant que ça ne serait qu'une partie, jusqu'à Castelnaudary, ou à peine plus loin. Sur toute la longueur du Canal, ce n'est rien, quelques kilomètres.

 Les points d'eau à ne pas rater... 
 
Premier point d'eau à Castelnaudary. Je remplis les bidons mais les vide aussitôt sur les dérailleurs. Je suis déjà bien crépis aussi.
Jusque là, j'ai bien roulé malgré tout. J'ai 12mn d'avance sur mon tableau de marche à 8h30 (pauses comprises). A la sortie de Castelnaudary, la piste est large, propre, ça roule bien. À peine le temps de me lancer que le chemin devient étroit et ça se complique. La boue est à nouveau là. Ça glisse, faut passer vite et en force. Au milieu de rien, je me fais alors courser par les mêmes chiens que Higgins dans la série Magnum. Ma méthode habituelle (lui crier: "Couché !" le plus fort possible) ne fonctionne pas. Un des deux s'arrête mais l'autre insiste. Il est sourd ou quoi ? Ça durera 500m mais j'ai du gagner 30 secondes... 
Au 100ème kilomètre, je suis à l'écluse d'Herminis. Nettoyage de dérailleurs, de chaussures (que j'enlève pour sortir la boue et que je rince à grande eau...), de lunettes que j'avais enlevées car je ne voyais plus à travers... Carcassonne n'est plus très loin, le terrain devrait être plus sec. Devrait, c'est du conditionnel. Les 2km de goudron à Carcassonne feront du bien. Ça permet de relâcher un peu. Je n'ai pas encore fait la moitié. 
De nouveau, jusqu'à Trêbes (mi parcours), c'est gras. Je maintiens quand même une bonne allure mais je me donne plus que ce qu'il faudrait. 
Pause à Marseillette mais point de femme chocolat à l'horizon. Moi, j'en ai la couleur. Nettoyage à nouveau et remplissage des bidons. De toute façon, je vais vers le sud est où il fait toujours beau et sec, non ?
Rien à faire, les chemins sont plein d'eau. Tant pis. J'y suis et je suis prêt, il n'y a pas de raisons même si je commence à avoir mal aux reins et aux bras. 
Là où c'est le plus sec, c'est là où les platanes ont été arrachés. Mais les engins de travaux ont tout abîmé et je pense qu'un marteau-piqueur ferait moins mal que mon vélo.
Juste avant le Somail (là où le Canal de la Robine part vivre sa vie vers le sud), ça va mieux quelques kilomètres. Il se met à pleuvoir. À y être. 
Au remplissage des bidons (1 bidon par heure, c'est mon rythme), des dames à vélo regardent le mien et me disent qu'elles vont prendre la route, plutôt que la piste. Bien vu.
J'ai moins le choix mais de toute façon, je ne cherche pas à l'avoir.
Un des avantages de cette mauvaise météo, c'est de trouver moins de monde. Et comme ce n'est pas toujours simple pour doubler, j'aime autant. 
J'ai abandonné l'idée de mettre moins de 8h30. Aujourd'hui, c'est impossible pour moi. 
À hauteur d'Argeliers (selon Wikipedia, la toponymie signifie «terrain argileux », « lieu où abonde l'argile»), le doute m'habite pourtant lorsque le vélo s'arrête seul. Ça colle. Les pneus ont la forme du cadre ! Je ne vois plus la différence entre le vélo et le sol. Je ne peux pas m'arrêter là ! Mais je ne peux pas non plus casser la transmission...
Je sors une dizaine de poignées de glaise et repars mais dans l'herbe d'un mètre pour éviter la glue. 500M plus loin, je refais une tentative sur la terre. Erreur grave. Rebelote ! Et re-nettoyage. Je repars à nouveau dans l'herbe jusqu'à la fin de ce chemin pourri.
Les flaques s'espacent un peu mais le terrain reste glissant et piégeux. J'ai le dos en vrac. Même pour boire, c'est compliqué car je ne peux plus plier les bras...
Bèziers approche; il me tarde. Pas pour les 9 écluses de Fonseranes mais parce qu'après, je sais qu'il y a une quinzaine de kilomètres de piste enrobée.
J'y suis. Il y a des sanitaires près des fameuses écluses. Lavage, plein, mais là, pas pareil. J'ai la tête qui tourne. Je m'assois par terre, ça brille beaucoup... J'ai tous les voyants allumés. Celui du moteur, du filtre à particules, de la jauge d'huile. Jean-Claude vient d'arriver et me dit: "tu fais quoi ?" "Ben, je continue, pourquoi ?"
Il ne reste "que" 40km et au pire, j'ai presque 2h d'avance sur le record d'Alex. Je peux peut-être encore mettre moins de 9h.
Quelques gels hypersucrés et c'est reparti. Pour autant, même sur le goudron, je ne roule plus comme je l'espère. Et aujourd'hui, le vent est un peu fainéant. Dommage, ça aurait fait du bien.
Je retrouve un chemin. Et des flaques. Mais là, chose étonnante, l'eau est chaude. 
La traversée d'Agde se fait sur la route. Ça monte à 3 ou 4% mais je suis arrêté. Les crampes ne sont pas loin. Je veux mettre le petit plateau mais rien ne se passe. Mon dérailleur avant n'est plus qu'un bloc de terre sèche. L'arrière n'est pas mieux. Ça pique dans les cuisses. Il reste 10km. Je regarde le chrono. Oui, le record sera battu mais pas d'autant que ce que j'espérais. 

Je finis tant bien que mal. On aperçoit le Phare des Onglous à 2km. Pour finir, c'est une belle piste pour gravel. Lors de la reco avec Véro, je me voyais bien débouler là-dessus à 40km/h. Aujourd'hui, j'ai du mal à tenir le 27/28...
Le Phare est là, devant moi. J'y suis. J'arrête le chrono sur 9h06. Je l'ai fait. 
Je suis raide. Au propre comme au figuré. Je n'arrive pas à m'asseoir sur le rebord du phare. Je vide mes poches et m'allonge par terre. Je m'endors de suite. 5mn, peut-être 10. J'enlève mes chaussures, mes chaussettes et m'asseois enfin, face à l'Etang de Thau (c'est chaud Sète ?), les pieds dans l'eau fraîche. Ça fait du bien. 

Ma balade: https://www.relive.cc/view/2465642479


Jean-Claude arrive en VTT. Il s'est garé à Agde et est venu me retrouver. On en profite pour faire quelques photos souvenir.
Je traîne. Certainement par peur de retrouver les douleurs supportées ces dernières heures...
On roule tranquille jusqu'à la voiture, en faisant un détour par un lavage haute pression parce que là, c'est sûr: si la boue est bonne pour la peau, pour le matériel, c'est une autre histoire.

1h42 de moins qu'Alex et 27mn de moins que le relais qu'il avait composé avec ses potes. Alors oui, dans l'absolu, c'est top mais je reste quand même un peu déçu. Dans des conditions à peine meilleures, il y a moyen de mettre une bonne 1/2 heure de moins, c'est évident. 
J'ai clairement réussi mon défi Krapa malgré tout. Je sais également qu'il s'agit d'un record et qu'ils sont faits pour être battus. Un jour viendra où quelqu'un(e) fera mieux mais par contre, que cette personne mette une heure de moins sinon, je resterai encore plus sur ma faim.

6 jours et une séance d'ostéo plus tard, j'ai encore quelques séquelles musculaires derrière les bras et dans le bas du dos mais je devrais m'en sortir. Une fois encore.

Merci à Véro tout d'abord, de me supporter (dans tous les sens du terme) et de me permettre de vivre cette passion dévorante au quotidien.
Merci à Jean-Claude d'avoir passé la journée dans la voiture, juste au cas où.
Merci à Chris d'avoir gardé United Bicycles seul (ou presque, merci Morgane !).
Merci à celles et ceux qui m'ont soutenu, encouragé.
Merci à Alex pour l'idée.
Merci à Pierre-Paul Riquet pour son oeuvre...

Pour celles et ceux que ça intéresse, voici le côté matos et technique:
Le vélo est un Cannondale Topstone 105 de série (ou presque). Les roues sont des Legend Wheels Pro (Merci à Axel et Arnold pour le montage express) avec jantes carbone en tubeless. Côté pneus, on trouve des WTB Nano Fast Light 700x40 (ceux de série sur le vélo) qui vont aussi bien sur le goudron que dans les chemins gras. GPS Garmin 1030, sacoche Apidura.
Développements: 46x17/18 la plupart du temps et pédales route car seulement 2 passages à pied.
Overstims (presque toute la gamme pour ne pas se lasser des goûts) pour la diététique.


Merci à Olivier pour la bière...

PS: Je vais regarder le calendrier UCI pour voir s'ils n'ont pas prévu de cyclo-cross de 150km. Je sais me préparer.