"J'ai choisi de vivre heureux parce que c'est bon pour la santé."

Voltaire


"Le plus fort n'est pas celui qui arrive le premier ; c'est celui qui profite le plus de ce qu'il fait."

Kilian Jornet



10 avril 2011

L'envers du Nord

Il fallait que je sache et l'opportunité s'est présentée.
Plus vite que pas forcément prévu (mais avec envie), j'étais engagé pour la rando "Paris-Roubaix Challenge"!


Motivé comme un cadet, même si c'est vrai qu'un cadet court pour gagner, le fait d'être au départ de ce que l'on surnomme "L'Enfer du Nord", c'est déjà fabuleux pour moi (voir article précédent).

Le poil est ras (depuis le Roc d'Azur, c'était en jachère), le matériel est prêt, je pense l'être, il fait beau (mais 6° au départ et 18 à l'arrivée, c'est un peu frais à mon goût), ça va ch...!
J'annonce déjà à qui veut l'entendre qu'il va y avoir des pavés dans les arbres et que les pavés de mai 68 volaient moins haut.
Samedi matin, le réveil sonne avant l'aube. J'ouvre les yeux. Je suis Cancellara (oui, rien que ça!).
Si certains (la plupart, visiblement) reprochent l'absence du chrono pour l'épreuve, pour ma part, ça m'arrange.
On le voit d'ailleurs dans le sas au départ: l'ambiance est détendue, certains rigolent. Je ne vois vraiment pas pourquoi ils préfèrent le stress d'un classement. On n'est vraiment pas fait pareil.
Sur la ligne, je retrouve Greg qui lui, suivra la course des pros avec l'assistance Mavic (pas mal non plus, c'est certain). Je pose pour la photo officielle.

Côté matériel et équipement, j'ai fait le choix du vélo de cyclocross (d'ailleurs, chez les pros, on en a vu pas mal également) avec des pneus tubeless (sans chambre à air, comme les voitures) et je suis persuadé que c'était le meilleur choix (je n'ai pas investi pour l'occasion, j'avais ça en "stock"!). Peu de pression = plus de confort (ou moins d'inconfort), et ça permet également de ne pas pincer la chambre à la première arrête qui dépasse un peu trop. Les dizaines (centaines?) de personnes que j'ai vues arrêtées en train de réparer, ça fait peur.
Pas de bidons non plus, ça évitera de les perdre. Je préfère le sac à dos (comme en VTT); peut être un peu gros (lui aussi...) mais avec 2l d'eau, 4 chambres à air, de quoi démonter (ou plutôt, remonter) le vélo et l'appareil photo, je suis en autonomie complète.
Des gants avec plus de gel côté paume, une autre couche de gel sous la partie haute de la guidoline et les cocottes (oui ma poule!) de frein légèrement relevées pour ne pas qu'elles m'échappent quand ça secoue.

Le premier secteur pavé n'arrive qu'au bout de 50km. Nickel. Ça permet d'échauffer le "bestiau". Toujours dans la bonne humeur, mon groupe (200 personnes environ) s'approche des-dits pavés. Il faut dire aussi que le vent n'est pas favorable (du début à la fin) et ça calme les ardeurs.
Finalement, ça frotte un peu avant le premier passage "caillouteux".
Ça freine, ça crève (déjà!), certains posent le pied, ça jure (!), je m'arrête.
L'image de Cancellara disparait au loin. Pas grave, je lui laisse un peu d'avance.

J'en profite pour éliminer un trop plein de vessie (déjà la prostate ou quoi?) et faire ma première photo:
Alors oui, effectivement, ça tape "un peu"... Et pourtant, je verrai par la suite que ce passage est "propre".

Je repars donc seul. Pas gêné du coup, je "fonce". Je fais le choix de rouler un peu plus tranquille sur les parties goudronnées mais mes cuissots contre le vent de face me permettent de sauter de groupes en groupes. Dès qu'il y a des pavés, je sens l'âme de Fabian planer au dessus de ma tête.
(j'ai du ventre sur les photos mais c'est aussi du en grande partie, aux jambières que j'ai enlevées et glissées sous mon maillot... Vilains!)

Parfois, il m'arrive de revenir sur d'autres cyclistes dans les portions "râpeuses". Il n'est pas toujours évident de doubler. Le problème, c'est que si on commence à freiner, c'est cuit. En dessous de 30km/h, on a l'impression de faire du marteau piqueur. Et pour relancer, pas question de se mettre debout sur les pédales.
En musique (à fond), ce supporter belge est déjà en place pour le lendemain. J'adore.
Évidemment, à chaque arrêt, je perd du terrain sur Spartacus que je ne reverrai qu'à la télé le lendemain.

Les kilomètres et les pavés défilent. Passé le cap des 100km (sur 140), les pavés semblent de plus en plus hauts...
Je passe également moins vite alors ça "tabasse" davantage. Un rayon de la roue arrière m'abandonne. L'avantage des étriers de frein de cyclocross, c'est qu'ils sont très écartés de la jante. Même voilée d'un centimètre, elle ne touche pas aux patins. Comme si j'avais besoin de ça!
A la sortie des deux derniers "chahutages", j'ai un peu de mal à desserrer les mains. Pendant l'heure qui suivra l'arrivée, je sentirai quelques engourdissements dans les petits doigts. Dommage pour mes narines pleines de poussière...
Dans les derniers secteurs pavés, je pense au Suisse qui roulait sur un coussin d'air l'année dernière. Quel homme!

Et puis, à force de persévérance, on arrive enfin au bout du (des) chemin(s).

Dans le dernier tronçon de ce périple athlétique, je reviens sur un groupe de coureurs tout de vert vêtus. Parmi eux, je reconnais le fameux Sean Kelly (+ de 190 victoires chez les pros dont, entre autres, 2 Paris-Roubaix!).
Pour autant, de cette fantastique expérience, je retiendrai plusieurs choses.
Tout d'abord, une bonne condition physique est primordiale et la puissance fait la différence.
En 27 ans de vélo, c'est la première fois qu'être lourd ne m'a pas trop désavantagé! En effet, plus on est lourd, moins on rebondit.
Oui, le terrain est un chantier sans nom mais le fait de le faire en rando permet de vraiment apprécier le parcours. En fait, je compare ça à une étape de montagne: Si on le fait à son rythme, c'est parfait. Si on subit, c'est un calvaire. Un enfer.

Un (double) regret quand même: ne pas avoir parcouru la Tranchée d'Arenberg et ne pas être arrivé jusqu'au vélodrome. Presque frustrant.

Aujourd'hui au réveil, quelques douleurs au niveau du cou et dans mes triceps de danseuse étoile, me disent que je ne suis pas forcément doué pour faire ça en course mais je sais que désormais, quelque soit la route (ou le chemin), mon vélo est capable de passer partout (ou presque). Je le considère comme indestructible!

Ce dimanche, mon héros helvète était encore le plus fort même s'il ne termine "que" deuxième. Esseulé, comme la semaine passée au Tour des Flandres, il a couru "enfer" et contre tous.
Finalement j'ai vécu la course devant la télé (moins d'ambiance que sur place c'est évident, mais au moins, j'ai tout vu!). Encore plus imprégné que jamais par les effort fournis.

Maintenant, j'ai vu, j'ai vécu, je sais. Je ne serai jamais Cancellara.

PS: avec la loi qui passe ces jours-ci, elle ne ferait pas la fière, ma roue voilée dans un lieu public...
Ok, je sors.


2 commentaires:

Louis a dit…

bravo,cela donne envie..
je comprends pas rapport au chrono, au moins , en version rando, c'est plus cool, moins de soucis

Orangina a dit…

A être secoué, un peu moins ou un peu plus....