"J'ai choisi de vivre heureux parce que c'est bon pour la santé."

Voltaire


"Le plus fort n'est pas celui qui arrive le premier ; c'est celui qui profite le plus de ce qu'il fait."

Kilian Jornet



06 juin 2010

Montagnes Pyrénée é e S!

342 jours s'étaient écoulés depuis ma virée à la mer l'année dernière (voir ici).
Je me souvenais d'avoir fini "cuit" mais il est vrai que contrairement à cette fois-ci, le profil du retour était montant.
Cette année, il fallait revenir avec du "négatif" et vu de Toulouse, à part les Pyrénées, on est limité.
Évidemment, on en avait parlé avec Christian une nuit de Téléthon (sur le vélo) car à peu de chose près, il y avait la même distance alors: Mer ou Montagne? La mer, c'était fait, restait donc la montagne. Et cette année, mon binôme était physiquement prêt (au moins pour le 2ème tiers), il fallait en profiter.

Direction: Le Tourmalet!
Si l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, je suis dans les clous...
6h12, je décolle de Fenouillet.

Comme "d'habitude", mon père assurera la logistique et l'assistance (on ne change pas une équipe qui a fait ses preuves). Au moins, on est sûr d'une chose: s'il faut être un peu dingo pour faire l'aller-retour en vélo, passer près de 13h dans la voiture (plus le retour en Aveyron le soir même!), il en faut un grain aussi. Les gènes certainement. Qui a dit: "là où il y a de la gène, il n'y a pas de plaisir"?

Directement dans la campagne, la progression est rapide contrairement à l'année dernière. Côté mental, je suis au top. Encore la veille, je n'y pensais pas plus que ça. Pas trop de doutes, ça me semblait faisable. Pourquoi douter? Il faudrait du temps. Beaucoup de temps. Mais en gérant, c'était faisable.

La Vallée de la Save est relativement déserte le samedi matin. C'est donc derrière la voiture que j'effectue ma progression vers la montagne.
7h12, je suis déjà à L'Isle Jourdain. Les longues lignes droites plates dans la vallée sont avalées rapidement.

8h07, on est à L'Isle en Dodon.
8h16, la montagne se profile à l'horizon avec quelques traces de neige sur les hauteurs. Le Pic du Midi est là bas, au loin. Si tout va bien, dans un peu plus de 5h, j'y serai...

Vers 8h20, première pause "remplissage de bidons" et début d'alimentation. J'en profite pour faire "plein air" au niveau des jambes et des bras. Il ne fait pas encore très chaud mais derrière la voiture, je suis à l'abri. Crème solaire également, ça devrait chauffer un peu.
On continue... Tout droit, tout plat (même si la tendance est légèrement montante quand même): je pense à mon collègue Arnaud qui fait la route tous les jours; il a du mérite d'avoir encore suffisamment de points au permis...

Un peu plus de 100km en 3h, le timing est respecté. J'ai promis un rendez-vous aux copains du club à 10h00 à Capvern (130ème km).
L'ascension vers le plateau de Lannemezan se fait sentir. On réduit la "voilure"...
Pour le moment, je consomme un peu plus d'un bidon à l'heure mais la température s'élevant, je me force à boire davantage. L'année dernière, j'avais perdu beaucoup d'eau et d'énergie. Par expérience, je ne referai pas la même erreur.

Je te vois...

10h00mn et 20s, je suis en retard de 20s mais je suis à Capvern. Je retrouve Christian, Mathieu, Robin et Guillaume.
Pour le moment, ça va plutôt pas mal. 35km/h de moyenne sans avoir dépassé 140 pulsations, c'est correct.
Avant Bagnères de Bigorre, on retrouve Arnaud et Jean Philippe. L'équipe est au complet. Pause (et pose) photo pour l'occasion.
Je change de vélo également. Un développement plus adapté à l'ultime ascension n'est pas du luxe contrairement à celui qui me sert à rouler derrière la BX.
Ce vélo n'a pas de moteur. Ou alors, tous les fils n'étaient pas branchés! A moins que ce soit le fait d'être à la masse...

On arrive au pied "officiel" du col: Sainte Marie de Campan. Il est 11h45. Je m'étais donné 2h pour effectuer les 18km jusqu'au sommet mais mon estimation pour 13h30 semble erronée. Pas grave. Le but est d'atteindre le haut du col avec le moins de séquelles possibles (physiques s'entend parce que je sais très bien que pour le reste, c'est cuit depuis un moment!).
Il fait très chaud dès le pied et ce n'est pas la vitesse à laquelle je monte qui me fait de l'air.
De par la température, j'ai le moteur qui chauffe. J'ai beau ouvrir le capot, rien n'y fait. Je suis déjà à près de 180 puls, je ne peux pas faire 2h comme ça. Je dois prévoir le retour...
Je m'arrête une première fois à l'ombre. Ça fait du bien. Je m'arrose, le cœur redescend. 2 ou 3mn mais ça suffit pour repartir dans de meilleures conditions.
34x24 et 34x27, le développement est bon, je pédale "souple" mais le coeur a bien du mal à descendre. Je rattrape Arnaud, parti un peu vite. Pas trop le temps de discuter...
Je m'arrêterai encore 2 fois d'ici le sommet et pourtant, il ne me faudra "que" 1h45 pour escalader cette montagne sacrée. Sacrée montagne!

A 1km du haut, il y a même des lamas en train de paître... Je me demande un instant si je ne suis pas monté trop haut!

Je passe la ligne à 13h29 et 50s! J'avais de la marge finalement.

On s'habille rapidement car mine de rien, à 2115m, un peu de vent sur la transpiration, c'est un coup à attraper mal.
Avant de manger, on prend largement le temps de faire quand même quelques photos souvenir. On y était, on l'a fait.
Christian brandit fièrement le plateau qui lui avait "mordu" le mollet l'année dernière et les béquilles qui l'avaient empêché de m'accompagner à la mer. Vengeance!

Signe de forme relative, je suis encore en état de faire le zouave. Pas trop évident d'escalader la statue mais bon, une cycliste au bar d'en face me lance le pari... L'innocence de cette femme!
Bon allez, on rigole mais je ne suis qu'à la moitié de mon périple. On mange un peu mais encore retourné côté estomac, je verrai plus tard.
Collant long, veste thermique, gants, on se "jette" dans la descente. Mollo quand même. Il y a un peu de fatigue, un peu de cyclistes et un peu de voitures. Pas plus de 78,4km/h. Ça reste raisonnable.
1h45 pour monter, 20mn pour descendre! Dommage, j'aurais bien profité plus longtemps...
La chaleur est là de nouveau.
Bagnères de Bigorre, 15h30, Arnaud et Jean Philippe nous quittent.
Une des dernières grosses difficultés se dresse. On monte tranquille. Rien ou presque ne fait encore mal, autant que ça dure. On rebascule vers L'Escaladieu et zou, on remet ça jusqu'à Capvern.
Le moral est au beau fixe. Avec Christian, on partage notre opinion sur la journée. La montagne, c'est dur, mais qu'est ce que c'est beau.

A Capvern, Mathieu, Robin, Guillaume et Christian me laissent. Dans ma tête, no soucy. Maintenant, je n'ai plus qu'à me laisser glisser en tournant le dos aux Pyrénées.

Je me remets derrière la voiture. Ça file! Même avec 53x12, je ne pédale pas tout le temps et les puls restent basses. Quelques vallonnements se passent avec l'élan (ou presque). En revanche, un nouveau paramètre apparaît. Je commence à avoir mal au c..! A l'Isle en Dodon, ça fait plus de 9h00 que je suis assis sur la selle. On a beau être entraîné, le physique a ses limites...

Tout au long de la route, je pense à ceux qui sont "derrière" moi. Et cette année, ils étaient particulièrement nombreux. Une fois encore, j'ai eu le temps de penser à tout le monde. Par leur encouragements, je me dois d'aller au bout. Soit dit en passant, il ne m'est même pas venu à l'idée (non, pas Johnny!) de m'arrêter en route. Jamais.

Je continue donc à boire mais il me devient difficile de manger. Ça coince un peu dans les tuyaux. Il reste un peu moins de 2h. Je sors ma botte secrète: mode "normand" (ou mode "mule", au choix)! Ça va le faire. De moins en moins vite, mais ça le fait.
Passé l'Isle Jourdain, je connais la route. C'est celle que je prends quand je rentre du boulot. Il y a la "bosse" de Montaigut qui m'inquiète un peu et pourtant, malgré quelques "boules" qui apparaissent au niveau des mollets (non, pour les cuisses, rien...), je la passe relativement bien. Sans m'affoler. De toute façon, je n'ai pas le choix.
Il reste un peu plus de 15km et le vent s'est mis à l'Autan (pas "Bonne idée!"). Ça fait de l'air c'est vrai, mais c'est gênant quand même.

Le pont de Gagnac sur la Garonne pique un peu. Un insecte rentre dans le casque, je l'enlève rapidement mais j'attrape une crampe au mollet gauche en tentant de garder l'équilibre le temps de le remettre!
Il reste 4km. Quoiqu'il arrive, je dormirai à la maison.

20h20, j'y suis. J'y reste.
Je suis "sec". Je m'allonge par terre, sur une serviette dans la cuisine. J'ai tous les "voyants allumés" (il n'y a pas de photos pour ne pas choquer les âmes sensibles)...
40mn plus tard, je suis à nouveau debout. Pas trop chaud et un peu fâtigué... Les jambes sont dures mais la tête a repris ses droits. Le constat est clair: Objectif atteint.


Malgré la distance quasi équivalente (352km cette année contre 354 l'an dernier), il n'y a "que" 45mn de plus. En revanche, le "talus" au milieu du parcours, ça fait la différence.
J'ai également beaucoup plus bu. 12 litres (plus 2 litres pour m'arroser)! Et encore, à la pesée, il en manquait encore 2...

En quelques chiffres, ça nous fait:
- 352km en 11h14 (de pédalage)
- 3460m d'ascension
- 14122 Kcal

Donc, voilà, c'est fait.

Petit, j'ai toujours été admiratif en lisant les récits des aventuriers comme Sigmund Hillary et son ascension de l'Everest, Paul Emile Victor et l'exploration des 2 pôles, entre autres.
Avant eux, il y avait eu Christophe Colomb, Vasco de Gamma. Plus récemment, Jean Louis Étienne. Ils partaient à la découverte du monde mais également à la découverte d'eux mêmes.

Finalement, je crois que c'est ça qui m'attire même si mes moyens d'aujourd'hui n'ont absolument rien en commun avec ceux qu'ils n'avaient pas. Et que mon entreprise n'est même pas une goutte dans l'océan de l'aventure humaine.
Pas une seule fois je n'ai pensé à appeler ça un exploit. Ce n'en est pas un.
En montant le Tourmalet, nous avons croisé des personnes qui redescendaient en fauteuil roulant (ils pédalent avec les mains!)... Là, il y a exploit et respect.


Qu'importe, malgré tout, il s'agissait d'un formidable défi personnel qui me permet de vérifier cet adage: "celui qui ne dépasse pas ses limites rate l'essentiel..."

Et à la question "Pourquoi?", je réponds simplement "Pourquoi pas?"

Par contre, pour le moment, il va falloir réfléchir au prochain défi. Entre nous, moins long et moins dur, je prends aussi...

P.S.: je pense que si l'on remonte dans les archives de l'état civil, on doit pouvoir trouver l'année où le "i" qui devait être en 2ème position dans notre nom, de famille à été remplacé par un "e"...

6 commentaires:

Laurent a dit…

Il fallait le faire bravo Sylvain

Misara a dit…

Un seul mot à dire : respect !


PS : juste pour la minute confiture : le proverbe exact vient de Sénéque et c'est : "Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas. C’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles."
Mais bon, on s'en moque un peu vu l'exploit d'aujourd'hui !

Guillaume a dit…

Un seul mot : bravo !!!

SAMS a dit…

Chapeau Monsieur Dengreville...
et surtout merci.
Belle leçon de courage. C'est toujours un plaisir de te lire. j'avais pas mon cardio, mais j'ai senti ma fréquence cardiaque s'emballer à te lire et quelques douleurs dans les jambes aussi.
Plein de souvenirs aussi sont revenus. Il y avait un maillot bleu et un certain GSP. Pas de la nostalgie, non, du plaisir et des souvenirs qui m'aident encore aujourd'hui à avancer sans ne jamais baisser les bras.
Merci Sylvain et à bientôt

Mathieu

Roland a dit…

Salut Sylvain,
T'es vraiment dans la philosophie Mac Arthur que j'ai eu l'occasion de lire sur ton blog...savoir rester jeune c'est beau!
Au plaisir...
Roland.

Franck Pélissier a dit…

Super compte-rendu et très belle performance... Quand je pense que je suis tout fourbu de mes pauvres 143 kilomètres et 2300 mètres de dénivelés effectués hier !
Bravo !